Actualités internationales de la recherche sur les groupes et les liens intersubjectifs
8-10 oct. 2015 LYON (France)

Abstracts des interventions pleinières et des tables rondes

Implications épistémologiques du modèle psychanalytique du groupe

René KAËS

Professeur émérite de l’Université Lumière Lyon2. Psychanalyste, psychodramatiste, analyste de groupe

L’extension du champ des pratiques et de la clinique de la psychanalyse est une constante de son histoire. Elle en est chaque fois bouleversée et doit recomposer la connaissance de son objet spécifique, l’Inconscient et ses effets de subjectivité, établie sur la base de sa méthode inaugurale, celle de la cure individuelle. Lorsque les psychanalystes assument d’en penser l’émergence et les conséquences, l’extension fait œuvre de création.

La conférence sera centrée sur le problème suivant : depuis quelques décennies déjà, des psychanalystes ont exploré de nouveaux territoires de l’Inconscient et, avec eux, d’autres espaces de la réalité psychique, d’autres formes de subjectivité et d’autres moyens de traitement de la souffrance psychique que ceux que propose la cure dite individuelle. L’extension est ici inédite : elle a pour base des dispositifs qui rassemblent plusieurs sujets dans une expérience de l’Inconscient inaccessible autrement : un ou plusieurs psychanalystes assurent les conditions d’un travail psychanalytique en groupe, avec des couples et des familles, avec des équipe de travail au sein d’institutions.

Les implications et les conséquences de ces dispositifs touchent par leurs enjeux à la méthode, à la métapsychologie et au socle épistémologique de la psychanalyse. Découvrir une pluralité des lieux, des économies et des dynamiques de l’Inconscient impose une autre métapsychologie.

Je poursuivrai l’exploration ce que pourrait être, non pas une troisième topique, mais une métapsychologie de troisième type. La tâche de celle-ci est de décrire et de conceptualiser la consistance de ces espaces de réalité psychique inconsciente, la complexité de leurs  interférences, la nature de leurs effets sur la structuration de la psyché de chaque sujet.

 

 

Les groupes : entre aliénation et transformation.

Georges GAILLARD

Professeur de psychopathologie et psychologie clinique à l'université Lumière-Lyon 2, Psychanalyste.

Reprenant, et développant l’argument du Colloque, ces propos introductifs mettront l’accent sur la place du groupe et des groupes dans le contexte de notre hypermodernité. Nous soulignerons la double potentialité inhérente au travail du groupement « entre aliénation et transformation », entre mouvements régressifs auto-référés, et ouvertures créatives. Au vue de la mutation des équilibres dans les investissements libidinaux du sujet contemporain (entre investissement narcissisme et liens d’altérité), le groupe / les groupes, apparaî(ssen)t comme autant d’espaces qui contraignent le sujet au difficile et passionnant travail du « vivre ensemble » – les groupes institués constituant le paradigme du travail d’appareillage requis.

Dans la crise actuelle il importe de repérer le potentiel créatif de cet « échelon intermédiaire » entre les sujets et le socius, et d’explorer les conditions de sa participation au « travail de Culture ».

 

 

L'Héritage et la Transformation: l'histoire, la politique et la clinique

Maria Inês FERNANDES

Professeure titulaire de l'INSTITUT DE PSYCHOLOGIE - USP


Il y a exactement quarante ans la situation politique en Amérique latine était d'une extrême violence. La transition d'un régime totalitaire à la démocratie impliquait de surmonter des difficultés de différents ordres : dans les domaines juridiques - politiques et socio - culturels. Les espaces pour la recherche dans les universités ont été menacés ; la circulation des citoyens entre les pays d'Amérique du Sud, visant à échapper à la répression politique, était fréquente. De L'Argentine sont arrivé au Brésil des enseignants et des professionnels “psi”. Au cours de cette période, ils ont commencé, à échanger des idées théoriques / conceptuelles et politiques ayant des impacts techniques et  pragmatiques dans les champs de la santé et de l'éducation. La psychologie sociale de Pichon-Rivière a commencé à dialoguer avec les références théoriques de la psychanalyse et des psychothérapies du groupe, au Brésil. Depuis 1980, ce dialogue  s’est enrichi des contributions de René Kaës.

À l’occasion de cette intervention nous réfléchirons sur ce parcours et ses conséquences pour le développement de la recherche notamment celle qui porte sur les dispositifs d'intervention clinique dans les institutions. Cette trajetectoire met fondamentalement en débat la conception du sujet. Les concepts de “lien”, de “monde intérieur”, de “réalité psychique” et “d’alliances inconscientes” seront ainsi intérrogés.

 

Dispositifs et expériences de groupes à médiation

Maria Clelia Zurlo

Maître de conférences à l'Université de Naples "Federico II"

L'exposé  propose un témoignage des résultats des échanges de recherches sur les dispositifs de groupe à médiation au cours des dix dernières années en présentant l'ouvrage collectif qui recueillit les textes des conférences que plusieurs colleagues du reseau "Groupes et liens intersubjectifs" ont tenu à l'Université de Naples: sur les groupes Photolangage dans differents contextes (groupes d'adultes en thérapie; groupes de femmes en prison; familles en thérapie familiale psychanalytique; groupes multifamiliales en istitutions; groupes d'adolescents; groupes de parents); sur les expériences de groupe avec la médiation de contes (groupes d'enfants; groupes d'adultes; groupes de mères migrantes); sur les expériences de groupes avec la médiation du dessin (groupes d'adolescents); sur les groupes de psychodrame et  les groupes à médiation musicale.

Dans ce contexte, qui décrit plusieurs activités d'expérimentation sur les dispositifs des groupes à médiation, l'exposé développera des réflexions sur l'utilisation de la méthode Photolangage en milieu scolaire dans des groupes de mères d'enfants qui présentent des difficultés d'adaptation. L'exposé visera à décrire la capacité de la méthode à favoriser l'expression, la prise de conscience et la verbalisation des fantasmes inconscients concernant la relation de chaque mère avec sa propre mère ainsi que la prise de conscience du lien entre relation mère-enfant interiorisée et relation actuelle avec l'enfant.

 

Les attaques de la pensée liante dans les équipes instituées. Quelques conditions de leur élaboration

Jean-Pierre PINEL

Professeur de Psychologie Université Paris 13, UTRPP 4403. Analyste de groupe et d'Institution. Membre de l'Association Transition

Les équipes instituées sont actuellement confrontées à une double transformation de leurs conditions d’exercice. D’une part, elles ont à accueillir ou accompagner, de plus en plus fréquemment, des sujets présentant de sévères pathologies des limites et de la symbolisation qui procèdent, par différentes modalités d’agirs, à une attaque des liens et de la liaison aux plans intra-psychique et intersubjectif. D’autre part, le déploiement d’un management gestionnaire, ordonné à une finalité de mise en transparence, récuse l’épaisseur de la réalité psychique et désavoue la légitimité de toute pensée autre.

Cette double attaque des liens et de la liaison, exercée à l’endroit des espaces intra-, inter- et trans-subjectif, déstabilise massivement les professionnels et l’ensemble qu’ils constituent en participant notamment à creuser un scindage entre tâche primaire et cadre institutionnel.

Cette communication visera à éclairer les mouvements psychiques et non psychiques à l’œuvre dans ces transformations et à identifier quelques conditions et modalités de leur élaboration.  

 

La psychanalyse multifamiliale

Graziella BAR DE JONES

Asociacion Escuela Argentina de Psicoterapia para Graduados, Asociación Psicoanalitica Argentina e Internacional y BabelPsi
 

Cette méthode est née d’une intuition, dira son créateur, le Dr. Garcia Badaracco. Vers 1960, il revenait de France, où il avait fait sa formation en Psychanalyse et devint à Buenos Aires, le chef d’un service avec 35 patients psychiatriques hospitalisés, isolés de leur famille et du monde et sans personnel soignant suffisant. Il mit alors en place des réunions,  tout le monde en même temps: patients, famille, infirmiers, thérapeutes. Il prit comme source d’inspiration celle des Communautés Thérapeutiques et conserva ses racines psychanalytiques; la dimension du líen dans les conflits devenait à l'époque de plus en plus évidente.

Il développa ensuite une ‘Communauté Thérapeutique Psychanalytique à Structure Multi- familiale’ privée, puis il comprit, finalement, que ces groupes multifamiliaux pouvaient aussi se réaliser en dehors des Communautés Thérapeutiques.C’est là qu’il commença à les appeler, “Groupes de Psychanalyse Multifamiliale” pour transmettre leur specificité et en tenant compte des résultats recueillis pendant plus de 30 ans.

 Le ‘Groupe de Psychanalyse Multifamiliale’ est précisément un vaste groupe, finalement pas forcément multifamilial, pouvant rassembler jusqu’à cent personnes. On y arrive à la conclusion que ce cadre de travail contient des facteurs soignants que nous ne pouvons rencontrer en nulle autre circonstance et qui constituent de puissantes ressources pour produire le changement psychique de chacun et des liens.

A BabelPsi, nous avons mis au travail, avec cette méthode, la diversité culturelle et ses effets, sur les individus et sur les liens.Ces réunions peuvent atteindre un effet thérapeutique sur les participants et leurs milieux: une école, une université, une institution, une entreprise, un service à l’hôpital, pas forcément psychiatrique. Les équipes qui les animent, reçoivent leurs bienfaits comme tous les participants.La solitude se volt mobilisée par la participation dans ces trames où surgissent de nouveaux liens en éloignant l’isolement.

Dans mon exposé je souhaite vous transmettre les caractéristiques specifiques de ce cadre de travail, de la façon de penser qui le caractérise ainsi que des développements théoriques qu il a entrainés suite à ses découvertes.

 

Les groupes à médiation et la théorie des 3 espaces psychiques

Claudine VACHERET

Professeure de psychologie clinique à l’université Lyon 2, psychanalyste membre de l’API

Après un bref rappel historique sur l’origine des groupes à médiation, dans le domaine du soin psychique et à partir des 3 grands courants théoriques psychanalytiques de groupe , anglais, argentin et français, seront abordés les raisons théorico-cliniques pour lesquelles nous proposons des dispositifs groupaux avec des médiations. Nous verrons, en particulier les raisons pour lesquelles l’impossibilité de faire fonctionner le « trépied » psychanalytique : libre association, transfert, interprétation, conduit à proposer un dispositif groupal doublé d’ un objet médiateur.

Nous verrons alors ce qu’induit chaque élément d’un dispositif cadrant à partir des consignes du Photolangage©, cet ensemble pouvant servir de modèle pour tous les  groupes à médiation.

C’est alors que nous mettrons en lien la théorie des 3 espaces psychiques élaborée par René Kaës, pour voir en quoi les règles du jeu mais aussi le travail de prise de notes par les animateurs, en fin de séance de groupe, s’appuient sur cette définition de 3 espaces : celui du sujet, celui des échanges inter-subjectifs et celui du groupe, sachant qu’ils fonctionnent de manière concomittente.

Parmi les processus retenus, la chaine associative groupale et la diffraction du transfert étant au cœur de l’espace des échanges intersubjectifs et la notion de synergie entre le groupe et l’objet médiateur retiendront tout particulièrement notre attention, afin de rendre compte de leurs fonctions de contention et de transformation.

Tout l’intérêt de tels dispositifs portent sur leur fort potentiel thérapeutique au service des patients, des soignants et des institutions de soin.

  

Face a la souffrance sociale-professionnelle et psychique en période d’«austérité»: Le cas du personnel soignant dans une institution psychiatrique en Grèce 

Klimis NAVRIDIS

Professeur de Psychologie sociale clinique, Université d’Athènes, membre de la Société hellénique de psychothérapie psychanalytique.


Cette communication examine les conséquences de la crise économique en Grèce et de la politique d’austérité sur le personnel soignant, et en particulier l’effet d’une production utopique – tant au niveau collectif qu’individuel – qui vise a la sauvegarde de l’identité professionnelle des sujets ainsi qu’a leur protection imaginaire face a un danger mortel de désintégration, d’effondrement psychique et de dépression.Cette dynamique sera examinée à partir de la situation d’une ONG s’occupant de la réhabilitation psychosociale de psychotiques chroniques,

 

Paulo Freire, la notion de "Libération"et la clinique des groupes

Pablo CASTANHO

Professor Doutor au Département de Psychologie Clinique de l’Institut de Psychologie (IP) à l’Universidade de São Paulo (USP) Brésil,membre de l’ International Association for Group Psychotherapy and Group Process (IAGP)

La notion de libération, issue de la pensée de Freire, associe la perspective de dépassement des conditions socio-historiques objectives d’oppression avec les transformations sur le terrain que nous nommerons de subjectif. Dans ce travail, nous décomposons notre objet de recherche au sein de ce cadre subjectif, proposant des pistes de relecture de la notion de libération, en nous appuyant sur les théories psychanalytiques de groupe. Nous illustrerons notre propos à partir de vignettes cliniques extraites de la supervision de groupes opératifs (Pichon-Rivière) réalisés avec des publics opprimés et avec un groupe thérapeutique accompagnant des patients moins favorisé économiquement.

L’aphorisme de Freire : “Personne ne libère personne, personne ne se libère tout seul : les hommes se libèrent en communion”, évoque le caractère liant de cette notion. Dans ce contexte, il nous semble pertinent de faire la distinction entre un fantasme de libération et un processus de libération. Le premier terme nous renvoie aux risques constants de l’idéologie. Le second terme nous renvoie à un difficile chemin sublimatoire, jamais achevé et toujours précaire.  

La sublimation entraîne toujours le renoncement à une parcelle de la satisfaction pulsionnelle directe. Plus précisément, du côté de l’oppresseur, en chacun de nous, la libération impliquerait un renoncement à une parcelle de satisfaction directe de la pulsion d’emprise (Bemächtigungstrieb). Un renoncement intrapsychique que nous voyons favorisé, sur un plan du lien, à travers une configuration déterminée de ce que René Kaës reconnaît comme une alliance inconsciente. Plus précisément, nous pensons à une structure similaire au contrat civilisateur Freudien décrit dans “Malaise dans la civilisation”. Mais si dans ce texte le renoncement à l’agressivité est possible moyennant la contrepartie d’une parcelle de sécurité, dans un “lien de libération” la contrepartie qui faciliterait le renoncement à la pulsion d’emprise, nous renvoie à la problématique ontologique. Chez Paulo Freire,  on voit le « lien de libération » comme le chemin de l’homme dans sa « vocation historique et ontologique d´être plus ». Dans ce sens, malgré le fait de partir des caractéristiques brésiliennes, il est possible d’amplifier les contributions de Freire en les dialectisant avec les formes de sociabilité qui prévalent dans notre monde globalisé.

Groupe Opératif -Psychanalyse de groupe - Freire, Paulo, 1921-1997

 

Pour une évaluation clinique des dispositifs à médiations thérapeutiques

Anne Brun

Professeure de psychopathologie et psychologie clinique à l'université Lumière-Lyon 2 et directrice du Centre de recherches en psychopathologie et psychologie clinique (CRPPC), psychanalyste


Dans le contexte d’une inflation de l’évaluation du système de santé et, plus particulièrement, des institutions hospitalières de soin, nombre de professionnels du soin psychique s’insurgent contre la standardisation des pratiques évaluatives selon un modèle purement médical, qui ne tient compte ni de la spécificité des pratiques institutionnelles dans le champ du soin, ni de la singularité irréductible des patients. On a connu ces dernières années des méthodologies d’évaluation des psychothérapies qui ont bénéficié aux thérapies comportementales et cognitives, et défavorisé les cliniciens. Les cliniciens référés à la métapsychologie psychanalytique ont eu longtemps tendance à rester dans leur « tour d’ivoire » mais il devient au contraire urgent d’inventer des méthodologies cliniques d’évaluation spécifiques à l’approche clinique ;  il s’agit d’engager une réflexion sur les limites de l'évaluation quantitative et de proposer des modèles pour des évaluations qualitatives. Les travaux de recherche en France sur l’évaluation concernent jusqu’à maintenant les psychothérapies individuelles mais l’évaluation de l’impact thérapeutique des dispositifs groupaux à médiation constitue un champ de recherche nouveau. 

Le Centre de Recherche en Psychopathologie et Psychologie Clinique, centre de recherche fondé par René Kaës, poursuit actuellement les travaux sur le groupe, en particulier dans le cadre des groupes à médiations thérapeutiques, en proposant notamment la construction d’une métapsychologie des médiations thérapeutiques en groupe et l’invention de critères d’évaluation clinique de ces dispositifs de médiations thérapeutiques. L’objectif scientifique de ces recherches consiste à poser les fondements d’une réflexion sur l’évaluation clinique des dispositifs de médiations thérapeutiques, référés à la psychanalyse. Dans ce cadre de recherche, plusieurs enseignants-chercheurs, et beaucoup de doctorants, de jeunes chercheurs, ont commencé à élaborer des outils et des méthodologies d’évaluation clinique de différents dispositifs à médiation, classiques comme la peinture, l’écriture, le théâtre, le modelage ou novateurs comme la médiation sensorielle olfactive en prison.

Il s’agit donc d’inventer de nouvelles méthodologies d’évaluation des médiations thérapeutiques en groupe, de fonder des systèmes d’évaluation sur la prise en compte de l’associativité psychique et sensorimotrice, du langage mimogestopostural, du jeu, des modalités spécifiques du travail du médium malléable (M. Milner) et de la dynamique transférentielle, avec différentes formes de transfert, sur les thérapeutes, sur le groupe, sur le matériau du medium, et sur le cadre dans sa matérialité, selon des méthodes intrinsèques aux démarches fondamentales des pratiques cliniques psychanalytiques. Ces méthodologies d’évaluation décrivent la spécificité et les modalités singulières des processus de symbolisation mis en œuvre dans ces cadres-dispositifs groupaux à médiation, dans différents types de contextes pathologiques, notamment avec des pathologies lourdes.

Cette communication présentera la dynamique d’un ouvrage collectif en cours, à paraître chez Dunod, sur l’évaluation clinique des psychothérapies psychanalytiques et notammentdes dispositifs groupaux de médiations thérapeutiques.

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